samedi 23 mai 2015

Aveillan : Chorégraphie de l'éblouissement

Aurélia Ghost # Creatures - Galapagos - 2013 (c) Bruno Aveillan
« FAIRE DE LA LUMIÈRE, PAUVRES GENS, C’EST PLUS DIFFICILE QUE DE FAIRE DE L’OR. » — PAUL CLAUDEL

Les photographies de Bruno Aveillan donnent à contempler une beauté autre, une beauté sidérante à la fois par sa pureté fascinante et par l’effacement même qui menace l’enchantement neuf qu’elle suscite, aussitôt éprouvé. C’est le jeu envoûtant, lumineux, cruel, éphémère, typique de la beauté par excellence. L’indomptable est toujours prompte à disparaître. 
Ivresse de la transfiguration, mouvance perpétuelle, le photographe virtuose fait évoluer la lumière sur l’infinité de variations qui caractérise la richesse incomparable de son registre à l’instar de l’immensité intime qui attend encore bien des images exaltées.
Il met en scène les substances diaphanes qui évoluent sur des mélodies intérieures, et son ballet bruisse de couleurs vivantes, glisse en ondes parfaites le long des silhouettes et des sujets. Chaque rayon convie un germe de rêve irisé, griffe les cieux, caresse un visage, illumine un regard, sublime un bijou, éveille un enfant, appelle une joie.
Grâce à cette époustouflante maîtrise chorégraphique de la lumière, les images de Bruno Aveillan transcendent le réel, avec une harmonie en tout point confondante et partant, donnent lieu à une réflexion nouvelle sur le passage du temps, la relativité des perceptions, la puissance de la mémoire, l’énigme de la beauté.
De Mnemo Lux à Acetate Spirit, de Minotaur-Ex à Papillon, de Kafka à Sandman, de Morpholab Noir en passant par Bolshoi Underground et Isolation Ceremony, des entités mystérieuses jaillissent et se rappellent au cœur des matières, les êtres se métamorphosent avec constance, les identités s’interrogent de concert. Les corps dansent sur des rythmes étranges, se jaugent avec curiosité, s’aimantent avec passion, se repoussent dans la fulgurance de l’instant unique et l‘extase existentielle. Les peaux se réfléchissent de l’autre côté des miroirs, et leurs échos coulent dans la nuit comme des diamants noirs dans l’onde claire.

L’artiste est passé maître dans l’art de l’éblouissement.

ZOÉ BALTHUS (CRITIQUE D’ART ET ÉCRIVAIN) PARIS 2015, Préface, in Flashback, Bruno Aveillan, textes de Marcos Lutyens & Zoé Balthus (Ed. Noir)
Exposition Flashback de Bruno Aveillan, Couvent des Minimes, à Perpignan, du 30 mai au 26 juillet 2015